C’est un autre poème
Est-ce parce que nous habitons des latitudes différentes
et que l’automne vient tôt dans mon pays
pendant que tu voyages de ville en ville,
lis des poèmes et fais des analyses de Cendrars
en essayant d’expliquer pourquoi
« si tu aimes il faut partir »
moi, je remue la marmelade de prunes sur le poêle
avec la longue cuillère en bois de ma grand-mère,
je regarde le jardin, toujours le même à la fin de septembre
je regarde la vie, toujours plus grande que nous
et je comprends qu’elle n’a pas de synonyme.
Les poules dans la basse-cour se disputent
un lombric qu’elles viennent de déterrer,
le voisin au milieu de son rucher
essaie d’introduire la nouvelle reine
dans la ruche qu’il a apportée hier soir
car c’est impossible pour deux reines
de vivre sous un même toit
et moi je retire une abeille égarée
en train de se noyer
dans le troisième pot de marmelade.
Askinia MIHAYLOVA, Ciel à perdre, suivi de Le jardin des hommes,
nrf Gallimard, Traduit du bulgare par l’auteure et par Dostena Lavergne, 2021, p.28